Impostor Syndrom

 
 
 
 
 

Cher Charif,

Je me souviens, il y a longtemps, quand tu dessinais sur ton bureau à la maison... jusqu'à ce qu'après des mois la surface de bois soit devenue presque complètement recouverte. J'étais trop timide pour la regarder, je l'ai perçue comme une partie de toi, quelque chose de très intime. Je me souviens aussi de tes superbes portraits au crayon, et de l'habitude que tu avais de dire "Facile, tu as juste besoin de regarder". J'admirais et j'admire toujours ta spontanéité. Ce que j'aime le plus avec le nouveau "médium" que tu utilises pour t'exprimer, c'est le cœur et l'énergie que tu y mets. C'est amusant que tu n'arrives jamais à être satisfait et c'est probablement pour ça que tu comprendras n'importe quelle personne qui a choisi la carrière d'artiste... parce que à chaque fois que j'ai gouté quelque chose que tu as cuisiné j'étais extasiée, pendant que toi, tu décrivais comment cela aurait dû être mieux.

L'un des autres très bons souvenirs que je garde, c'est nos rencontres tardives dans la cuisine, quand on improvisait avec ce qu'il restait dans le frigo. Plus il était vide, et plus c'était stimulant. Tu semblais savoir exactement ce que tu faisais, et à la fois pas du tout. C'est quelque chose auquel je pense quand je travaille, cette parfaite balance entre contrôle et fluidité.

Si tu l'avais choisi, tu aurais surement été un grand artiste.

Parmi toutes les personnes que je connais, tu as les plus uniques idées et réflexions à propos de ce que cela signifie et implique d'être artiste. C'est surement, parce que ce n'est pas ta sphère, mais surtout parce que tu as cette magnifique façon de te tenir face au monde et de baser ta vision sur des valeurs fortes. Je ne vais pas évoquer dans cette lettre notre débat sans fin. Je vais juste dire que dans la vie, nous sommes tous plusieurs personnages dépendamment du moment et de “à qui" on s'adresse. La version de moi que je préfère, celle qui est la plus proche de la personne que je veux être, c'est ma personnalité artiste. Depuis notre enfance, tu sais mieux que personne que j'aime rêvasser. J'ai trouvé dans ma pratique de l'espace pour la contemplation et la fragilité, et c'est le seul contexte que j'ai trouvé jusqu’à maintenant, où c'est une force au lieu d'être une faiblesse.

Et j'espère que cette exposition, sera aussi l’occasion que tu vois mon travail pour la première fois.

Je me réjouis de te voir bientôt,

Je t'embrasse,

Ta petite sœur

 

(1)
Something Will Happen Next, 2016)
Il y aura une suite

 

(2)
Mind Game and Translation, 2016)
Jeu d’Esprit et Translation

 
 
 

(3)
Vent du Sud, 2016

 

(4)
Intranscriptible, 2016

 
 
 

(5)
Sans Titre, 2016

 
 

(6)
Color Drunkness, 2016
Ivresse de couleur

 

 

Lyon, France
Septembre 2016

(1)
Something Will Happen Next, 2016
Il y aura une suite
2 carreaux de carrelage trouvés (10 x 10 x 1 cm chacun), peinture iridescente et lumière blanche ambiante. Dimensions variables.
Ces carreaux de carrelage ont été retirés du mur d’une maison, avant sa rénovation. Ils s’usent avec le temps et leurs craquelures sont semblables à des lignes de la main. Tandis que le premier reste intact, le second est recouvert d’une peinture iridescente qui apparait invisible depuis certains points de vues.

(2)
Mind Game and Translation, 2016
Jeu d’Esprit et Translation
2 plaques de verre (120 x 120 x 0,4 cm chacune), peinture iridescente, lumière blanche ambiante et flacons de parfum trouvés et polis. Dimensions variables.
Une grille d’échec est peinte sur du verre, les couleurs changent en fonction de la distance et du point de vue. Parfois, les carreaux semblent polis et le gris-vert se confond avec son ombre, tandis que les traces de pinceaux sont révélées depuis d’autres points de vues. De loin, le rose vif permet à la grille d’apparaitre détachée du mur.

(3)
Vent du Sud, 2016
2 couches de polyester (135 x 350 cm chacune), peinture iridescente et lumière blanche ambiante. Dimensions variables.
Un tissu très transparent prend son autonomie en se distançant de toute paroi, il se révèle par le moirage, dessin ondulatoire issu de la superposition de deux trames textiles. Les mouvements parfois induits par les courants d’air et le passage des corps faisant trembler cette vibration. Seuls les contours de l’astre peint en son centre témoignent d’une certaine fixité, telle une lune de jour tantôt blanche tantôt jaunâtre, telle une lune de nuit tantôt bleue électrique, tantôt grise et sombre.

(4)
Intranscriptible, 2016
Polyester (110 x 140 cm) et peinture iridescente. Dimensions variables.
Un textile très fin et transparent est suspendu sur un mur blanc, ce qui lui confère une sensation de solidité, tandis que les mains peintes se mêlent à leur fond et à leur ombre.

(5)
Sans Titre, 2016
Papier de chantier (210 x 225), peinture iridescente et lumière ambiante. Dimensions variables.
Un support de protection et d’erreurs devient un support de peinture. Le geste apparait invisible seulement depuis quelques points de vue ; la forme peinte est fantomatique.

(6)
Color Drunkness, 2016
Ivresse de Couleur
Installation - Vidéo (durée : 3min 06sec, loop) vidéo projecteur et papier calque argenté. Dimensions variables.
Un rapide trajet en voiture flirte avec abstraction. La caméra absorbe les couleurs de la ville floue, tard le soir.